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Occultisme, spiritisme, fétichisme, paganismes et traditions déchues,

Pour ce qui est de la première notion [l'occultisme], nous rappellerons tout d'abord que le terme "occulte" tire son origine des vires occultae, c'est-à-dire des forces invisibles de la nature, et des occulta, des secrets relevant des anciens mystères ; en fait, l'occultisme moderne se réduit grosso modo à l'étude des phénomènes extra-sensibles, étude des plus aléatoires en raison de son caractère tout empirique et de l'absence, précisément, de toute doctrine de base.

L'occultisme s'étend de l'expérimentation pure et simple jusqu'aux spéculations et pratiques pseudo-religieuses ; de là à qualifier d' "occultisme" toute doctrine ou méthode authentiquement ésotérique il n'y a qu'un pas, qui a été franchi par ignorance, indifférence ou négligence, et sans scrupule ni vergogne par ceux qui ont intérêt à une semblable dépréciation. C'est comme si l'on qualifiait les vrais mystiques d'occultistes sous prétexte qu'eux aussi s'occupent de l'invisible. (Logique et transcendance, p.7).

Il y a eu bien des spéculations sur la question de savoir comment le sage - le "gnostique"(1) ou le jnânî - "voit" le monde phénoménal, et les occultistes de tout genre ne se sont pas privés d'émettre les théories les plus fantaisistes sur la "clairvoyance" et le "troisième oeil"; en réalité, la différence entre la vision ordinaire et celle dont jouit le sage n'est de toute évidence pas d'ordre sensoriel. Le sage voit les choses dans leur contexte total, donc à la fois dans leur relativité et leur transparence métaphysique... Le "troisième oeil", c'est la faculté de voir les phénomènes sub specie aeternitatis et partant dans une sorte de simultanéité ; il s'y ajoute souvent, par la force des choses, des intuitions sur les modalités pratiquement imperceptibles.

(1) Nous employons toujours ce mot au sens étymologique et sans tenir compte de tout ce qui, historiquement, peut s'appeler "gnosticisme". C'est la gnose que nous avons en vue et non ses déviations pseudo-religieuses.

Le sage voit les causes dans les effets, et les effets dans les causes ; il voit Dieu en tout, et tout en Dieu. (Regards sur les mondes anciens, p.144-145).

Spiritisme

Empirisme procédant à l'aveuglette et doté d'une fausse doctrine, ce qui n'empêche pas les phénomènes d'être réels. (Images de l'esprit, p. 145, note 42).

Fétichisme, "paganisme", traditions déchues

... pourquoi des Soufis ont-ils déclaré que Dieu peut être présent, non seulement dans les églises et les synagogues, mais aussi dans les temples des idolâtres ? C'est que dans les cas "classiques" et "traditionnels" de paganisme, la perte de la vérité plénière et de l'efficacité salvifique résulte essentiellement d'une modification profonde de la mentalité des adorateurs et non de la fausseté éventuelle des symboles ; dans toutes les religions qui entouraient chacun des trois monothéismes sémitiques, de même que dans les "fétichismes"(1) encore vivants à l'heure actuelle, une mentalité primitivement contemplative et possédant par conséquent le sens de la transparence métaphysique des formes, a fini par devenir passionnelle, mondaine(2) et proprement superstitieuse.(3)

Le symbole, laissant transparaître à l'origine la réalité symbolisée, - dont il est d'ailleurs à rigoureusement parler un aspect, - est devenu en fait une image opaque et incomprise, donc une idole, et cette décheance de la mentalité générale n'a pas pu ne pas agir à son tour sur la tradition elle-même, en l'affaiblissant et en la faussant de diverses manières ; la plupart des anciens paganismes se caractérisent par l'ivresse de puissance et la sensualité. (Comprendre l'Islam, p. 60).

(1) Ce mot n'a ici qu'une fonction de signe conventionnel pour désigner des traditions déchues ; en l'employant, nous n'entendons pas nous prononcer sur la valeur de telle ou telle tradition africaine ou mélanésienne.

(2) Le kkâfir, selon le Koran, se caractérise en effet par sa "mondanité", c'est-à-dire par sa préférence des biens d'ici-bas et son inadvertance (ghaflah) à l'égard des biens de l'au-delà.

(3) D'après l'Évangile, les païens s'imaginent qu'ils seront exaucés parce qu'ils font beaucoup de paroles. La "superstition" c'est, au fond, l'illusion de prendre les moyens pour la fin, ou d'adorer les formes pour elles-mêmes et non pour leur contenu transcendant.

Le paganisme, s'il ne se réduit pas à un culte des esprits, - culte pratiquement athée qui n'exclut pas la notion théorique d'un Dieu(1), - est proprement un "angélothéisme"; le fait que le culte s'adresse à Dieu dans sa "diversité", si l'on peut dire, ne suffit pas pour empêcher la réduction du Divin - dans la pensée des hommes - aux niveaux des puissances créées. L'unité divine prime le caractère divin de la diversité : il est plus important de croire à Dieu, - donc à l'Un - que de croire à la divinité de tel principe universel.

(1) Il est des Nègres fétichistes qui, sans ignorer Dieu, s'étonnent que les Monothéistes s'adressent à lui alors qu'il habite des "hauteurs inaccessibles". (Perspectives spirituelles et faits humains, p. 91).

Le paganisme, c'est la réduction de la religion à une sorte d'utilitarisme, ce qui amène le syncrétisme et l'hérésie : le syncrétisme, parce que les divinités et les cultes les plus hétéroclites sont ajoutés au propre culte sans assimilation ni intégration aucune ; et l'hérésie, parce que les qualités divines sont confondues avec les puissances angéliques, qui, à leur tour, sont rabaissées au niveau des passions humaines ; la façon même dont les anciens représentaient les dieux prouve bien qu'ils ne les comprenaient plus. (Perspectives spirituelles et faits humains, p. 92).

... les rationalistes et les fidéistes ne sont pas les seuls adversaires de la Sophia Perennis : un autre opposant - quelque peu inattendu - est ce que nous pourrions appeler le "réalisationnisme" ou "l'extatisme" : à savoir le préjugé mystique - assez répandu dans l'Inde - qui veut qu'il n'y ait que la "réalisation" ou les "états" qui comptent en spiritualité. Les partisans de cette opinion opposent à la "vaine ratiocination" la "réalisation concrète" et s'imaginent trop facilement qu'avec l'extase, tout est gagné ; ils oublient que sans les doctrines - à commencer par le Vedânta ! - ils n'existeraient même pas ; et il leur arrive également de perdre de vue qu'une réalisation subjective - fondée sur l'idée du "Soi" immanent a grandement besoin de cet élément objectif qu'est la Grâce du Dieu personnel, sans oublier le concours de la Tradition.

Nous devons mentionner ici l'existence de faux maîtres qui, héritiers de l'occultisme et inspirés par le "réalisationnisme" et la psychanalyse, s'ingénient à inventer des infirmités invraisemblables afin de pouvoir inventer des remèdes extravagants. Ce qui logiquement est surprenant, c'est qu'ils trouvent toujours des dupes, et cela même parmi les soi-disant "intellectuels"; l'explication en est que ces nouveautés viennent remplir un vide qui n'aurait jamais dû se produire.

Dans toutes ces "méthodes", le point de départ est une fausse image de l'homme ; le but de l'entraînement étant le développement - à l'instar de la "clairvoyance" de certains occultistes - de "pouvoirs latents" ou d'une personnalité épanouie ou "libérée". Et puisqu'un tel idéal n'existe pas - d'autant que la prémisse est imaginaire - le résultat de l'aventure ne peut être qu'une perversion ; c'est la rançon d'un rationalisme sursaturé - éclaté à son extrême limite - à savoir un agnosticisme dépourvu de toute imagination.
(La transfiguration de l'homme, p. 16-17)

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