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Pouvoirs psychiques, miracles, extases, apparitions, visions,

Un fait apparemment miraculeux ne prouve rien en lui-même, certes, mais il prouve tout quand il peut être en connexion avec une spiritualité traditionnelle et qu'il s'accompagne des critères qui garantissent son authenticité. (Sentiers de gnose, p. 43, note 1.)

Même des miracles, le cas échéant, ne saurait constituer une preuve [pour refuser ou accepter une Révélation], étant donné les prodiges de la magie ; il est vrai que les modernes nient ces prodiges autant que les miracles, mais nous mentionnons néanmoins l'argument puisque, à l'avis des modernes, les miracles ne prouveraient rien "s'ils existaient", puisqu'ils sont imitables(1).

(1) Ce qui n'est pas le cas, à rigoureusement parler, car le miracle exige un contexte qui le rend en réalité inimitable, sans quoi il n'aurait aucune raison d'être ; du reste, la magie est loin de pouvoir contrefaire tous les miracles, si bien que l'argument dont il s'agit est des plus faibles. (Du Divin à l'humain, p. 119).

Les illusionnés ignorent, et veulent ignorer, que le diable peut leur donner des inspirations justes dans l'unique but de gagner leur confiance afin de pouvoir les faire tomber en fin de compte dans l'erreur ; qu'il peut leur dire neuf fois la vérité afin de pouvoir les tromper d'autant plus facilement la dixième fois ; et qu'il trompe avant tout ceux qui attendent la confirmation ou l'accomplissement des illusions auxquelles ils sont attachés (1). Ceci concerne les visions aussi bien que les auditions ou autres messages.

(1) L'origine satanique d'un message est indifférente quand il est bénéfique, mais le diable ne donnera un tel message qu'à ceux qu'il croit pouvoir tromper par la suite, sans quoi il n'a aucun intérêt à le faire, pour dire le moins. Rappelons également dans ce contexte général que, selon d'anciennes maximes bien connues, "l'hérésie réside dans la volonté et non dans l'intelligence", et que "se tromper est humain, mais persévérer dans l'erreur est diabolique".

Un genre particulier de grâce est l'extase ; ici aussi, il convient de distinguer entre le vrai et le faux, ou entre le surnaturel et le morbide, voire le démoniaque. Une exception très rare en même temps que fort paradoxale est l'extase accidentelle ... : il arrive qu'une personne toute profane passe par une véritable expérience extatique, sans savoir pourquoi ni comment ; une telle expérience est inoubliable et influe plus ou moins profondément sur le caractère de la personne. Il s'agit d'un accident cosmique dont la cause est fort lointaine, c'est-à-dire qu'elle est dans le destin de l'individu, ou dans le karma ...; mais ce serait une grave illusion que de voir dans une telle expérience une acquisition spirituelle de caractère conscient et actif, alors que le sens de l'évènement ne peut être qu'un appel à une voie authentique dans laquelle on repartira à zéro ; quaerite et invenietis.

Parmi les grâces réelles ou apparentes il y a également les "pouvoirs", par exemple de guérison, de prévision, de suggestion, de télépathie, de divination, de prodiges mineurs ; ces pouvoirs peuvent assurément être des dons directs du Ciel, mais dans ce cas ils sont fonction d'un degré de sainteté, sinon ils sont simplement naturels, bien que rares et extraordinaires ; or à l'avis de toutes les autorités spirituelles il convient de s'en méfier et de ne pas y prêter attention, d'autant que le diable peut s'en mêler et a même tout intérêt à le faire.

Les pouvoirs gratuits, s'ils peuvent être a priori des indices d'une élection de la part de Dieu, peuvent causer la perte de ceux qui s'y attachent au détriment de l'ascèse purgative qu'exige toute spiritualité ; bien des hérétiques ou des faux maîtres ont commencé par être dupes de quelque pouvoir dont la nature les avait dotés. Pour le vrai spirituel, le pouvoir apparaît tout d'abord comme une tentation, non comme une faveur ; il ne s'y arrêtera pas, et ne serait-ce que pour la simple raison qu'aucun saint ne fera de sa sainteté un axiome. L'homme ne dispose pas des mesures de Dieu, - sauf d'une façon abstraite ou par une grâce relevant d'une dignité déjà prophétique, - car nul ne peut être juge et partie dans sa propre cause.

La question de savoir quel détail est contraire à l'authenticité d'une apparition céleste est fonction, soit de la nature des choses, soit de telle perspective religieuse ou de tel niveau de cette perspective...

[Pour parler] des dissonances intrinsèques incompatibles avec une manifestation céleste, il y a tout d'abord - et de toute évidence - les éléments de laideur et les détails grotesques, et cela non seulement dans la forme de l'apparition, mais aussi dans ses mouvements et même simplement dans l'ambiance ; il y a ensuite le discours au double point de vue du contenu et du style, car le Ciel ne ment ni ne bavarde (1). "Dieu est beau et Il aime la beauté", a dit le Prophète ; aimant la beauté, Dieu aime également la dignité, Lui qui combine la beauté (jamâl) avec la majesté (jalâl). "Dieu est amour", et l'amour exclut, sinon la sainte colère du moins certainement la laideur et la petitesse.

(1) Ce qui coupe court à toute une série d'apparitions ou de "messages" dont on entend parler dans cette seconde moitié du XXe siècle.

Un critère décisif d'authenticité est, sur la base des critères extrinsèques nécessaires, l'efficacité spirituelle ou miraculeuse de l'apparition : si rien de spirituellement positif ne résulte de la vision, elle est douteuse dans la mesure même où le visionnaire est imparfait, sans être forcément fausse même dans ce cas, car les motifs du Ciel peuvent échapper aux hommes ; si, au contraire le visionnaire retire de la vision une grâce permanente au point de devenir meilleur (2), ou si la vision est la source de miracles sans s'accompagner d'aucune dissonance, il n'y a pas de doute qu'il s'agit d'une apparition céleste véritable. A fructibus eorum cognoscetis eos. [L'ésotérisme comme Principe et comme Voie, page 207-214]

(2) Soit qu'il modifie son comportement habituel, soit qu'il change de caractère, le premier résultat étant extrinsèque, et le second intrinsèque ; l'un ne va d'ailleurs pas tout à fait sans l'autre.

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