Science et métaphysique

La science est exactement dans le même cas qu’un homme qui, par hypothèse, ne saisirait que deux dimensions de l’espace et nierait la troisième, inimaginable pour lui ; or ce qu’est une dimension spatiale à une autre, le suprasensible l’est au sensible, ou plus précisément : l’animique l’est au corporel, le spirituel l’est à l’animique, et le divin l’est au spirituel humain. Logique et transcendance p. 51.

La science moderne, avec sa négation de tout ce qui est réellement fondamental, et son refus subséquent de la « seule chose nécessaire » (1), est comme une planimétrie, qui n’aurait aucune notion des autres dimensions; elle s’enferme dans la seule réalité – ou irréalité – physique en y accumulant un énorme savoir, mais aussi en engageant sa responsabilité dans des conjectures de plus en plus exigeantes. Partant de l’illusion que la nature finira par se livrer en entier et à se laisser réduire à quelque formule mathématique ou autre, cette science prométhéenne se heurte partout à des énigmes qui démentent ses postulats et qui apparaissent comme des fissures imprévues dans son système édifié à grand-peine ; ces fissures, on les plâtre avec des hypothèses nouvelles, et le cercle infernal continue sans freins, avec les menaces que l’on sait. Certaines de ces hypothèses, tel l’évolutionnisme, deviennent pratiquement des dogmes en raison de leur utilité, sinon de leur vraisemblance; cette utilité n’est pas seulement scientifique, elle peut être également philosophique, voire politique suivant les cas.

(1) L’athéisme scientiste s’affirme indirectement par les postulats du vide et partant du discontinu, qu’il est d’ailleurs impossible de maintenir avec une parfaite conséquence. Or nier la plénitude et la continuité, y compris le rythme et la nécessité, ou l’élément providentiel, c’est nier la Substance universelle avec tout ce qu’elle implique d’homogénéité et de transcendance. Logique et transcendance p. 79.

. … concernant le scientisme …: si la Bible ne spécifie pas que la terre est ronde, c’est pour l’unique raison qu’il est normal à l’homme de la voir plate, et que l’homme collectif ne supporte même pas la notion d’une terre sphérique, comme l’histoire le prouve à satiété (1). La science est naturelle à l’homme, mais il importe avant tout de choisir entre les plans, en fonction de l’axiome que « Mon Royaume n’est pas de ce monde »; l’observation utile de l’ici-bas étend la science, mais la sagesse de l’au-delà la limite, ce qui revient à dire que toute science du relatif qui n’a pas de limite établie par une science de l’absolu, donc par la hiérarchie spirituelle des valeurs, aboutit à la sursaturation et à l’éclatement.

(1) Si Galilée avait été sensible à l’intention foncière du message christique, il aurait bien pris acte du fait que la terre tourne, - à supposer qu’il l’eût alors découvert, - mais il n’aurait jamais eu l’idée d’exiger de l’Église qu’elle insère ce fait dans la théologie, d’un jour à l’autre et avant que cette idée n’ait pu s’imposer au monde savant de son temps, ni à plus forte raison au peuple. Au demeurant, il ne faut ni vouloir infliger à la théologie le mouvement des molécules, ni prétendre « laisser Dieu à la porte du laboratoire »[Pasteur]; il faut éviter que les molécules deviennent une religion et que la science soit laissée à la porte de Dieu. Logique et transcendance p.151.

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