Science et l'infiniment grand et l'infiniment petitMais revenons au scientisme, puisqu’il joue un rôle décisif dans la mentalité contemporaine ; nous ne voyons absolument pas pourquoi il faille s’extasier devant les vols spatiaux ; les saints, dans leurs extases, montent infiniment plus haut, et nous disons cela, non à titre allégorique, mais en un sens tout à fait concret que nous pourrions qualifier de « scientifique » ou d’ « exact ». La science moderne a beau explorer l’infiniment lointain et aussi l’infiniment petit, elle peut atteindre à sa manière le monde des galaxies et celui des molécules, mais elle ignore – puisqu’elle ne croit ni à la Révélation ni à la pure intellection – tous les mondes immatériels et suprasensoriels qui enveloppent pour ainsi dire notre dimension sensible, et par rapport auxquels celle-ci n’est qu’une sorte de fragile coagulation, appelée à disparaître à son heure sous l’effet fulgurant de la Réalité divine. Or postuler une science sans métaphysique est une contradiction flagrante, car sans métaphysique, point de mesures, ni de critères, point d’intelligence qui pénètre, contemple et coordonne. Le psychologisme relativiste, et ignorant d’absolu, de même que l’évolutionnisme – absurde parce que contradictoire, le plus ne pouvant venir du moins -, ne s’expliquent que par cette exclusion de l’intelligence dans ce qu’elle a d’essentiel et de total. [Regards sur les mondes anciens p. 159 (Nataraj)] Les explorateurs de la substance, de l'énergie, de l'indéfiniment petit et de l'indéfiniment grand, ont beau s'enfoncer, de découverte en découverte et d'hypothèse en hypothèse, dans le mécanisme de notre monde, ils trouveront sans doute toutes sortes d'aperçus instructifs sur la structure des catégories physiques, mais en fait ils n'arriveront jamais au bout de leur trajectoire; les fondements de l'existence ont quelque chose d'indéfini et ne se livreront pas. Isis est "tout ce qui a été, tout ce qui est et tout ce qui sera"; et "nul n'a jamais soulevé mon voile"; inutile de le tenter, d'autant que qu'en cet ordre de grandeur l'inutile coïncide avec le pernicieux; ce qu'indiquent les mythes de Prométhée, d'Icare, des Titans, de Lucifer, et ce que prouvent à satiété les expériences des deux derniers siècles(1).[Racine de la condition humaine, p. 31]
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